vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

14 novembre 2022

Devant nous marchait Nathalie.

 

 On a beaucoup parlé d'elle. On a beaucoup pleuré. J'ai marché autour de chez nous, essayant de retrouver ses traces, ses traits que je n'ai pas oubliés. Ceux de la Fauvette avec qui elle partageait son goûter. Ceux de la Charmante contre qui elle s'endormait. Ceux de toutes celles que nous avons vu passer. Dont pas une de ses lettres ne manquaient de me parler. Ces lettres pleines de joie, d'amour et d'insouciance, je les ai relues une à une m'imprégnant de ses mots, de son esprit, de son rire, de sa voix, de tout ce qu'elle était. J'ai recherché en moi la moindre parcelle qui l'évoquait.


au temps des vaches de lossedat (1)

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J'ai parcouru les Barthes et les Enclos, j'ai suivi sa trace à Saint Germain, aux Gravanches, à Job,aux fêtes à Echandelys. J'ai marché avec elle dans les pas de maman, Nounours et la Missou à nos côtés.

 

le temps des neiges (26)

 

J'ai cherché. Longtemps j'ai cherché. Quand j'écrivais ici, elle venait lire et parfois elle commentait. Signé Zibeline, car c'est ainsi qu'on s'appelait, moi j'étais la grosse, elle la petite. Dans ses lettres papa me parlait presque toujours de la petite Zibeline qu'il lui fallait accompagner dans la neige pour aller au collège ou revenir la chercher. Il me confiait combien souvent il appréhendait ces mauvaises routes de montagne couvertes de neige et de verglas qui les encombraient, mais aussi combien il était content de la retrouver et son soulagement quand au trajet. Ses lettres se terminaient toujours, par : "mais ça c'est bien passé, cette fois, encore." Il me parlait de sa présence en haut dans sa chambre où elle écoutait la musique pendant qu'il m'écrivait.

Quand elle est née, par une nuit de février, il neigeait, il faisait froid. C'était un vendredi, je rentrais de la pension où je me trouvais. On nous avait demandé à ma sœur cadette et à moi d'aller dormir dans une autre chambre, car celle où on dormait allait être occupée. On ne nous avait pas donné de raison. On s'interrogeait sur cet arbitraire qui nous frappait.

On n'expliquait pas aux enfants. Pas plus la mort que la vie. A la campagne en 1965, les enfants, comme les petits veaux venaient au monde à la fortune du pot.

J'avais 13 ans de plus qu'elle, ma cadette en avait 10.

Dans la nuit, toutes deux on grelottait. Pour tromper notre angoisse et aussi couvrir les cris de notre mère que l'accouchement lui arrachait, on écoutait le poste de radio où Guy Béart chantait "Allo, allo, tu m'entends ? Est ce qu'il fait beau temps là bas sous ton ciel ? ... "

Puis soudain un cri aigu perça la nuit, c'était le sien... et je fus soulagée, cela "s'était bien passé ". Ma sœur à mes côtés s'interrogeait. "T'inquiètes pas lui dis je, sans savoir, "c'est la petite sœur !" (il ne nous venait que des sœurs). Le lendemain, rouge dans son petit panier, elle suçait ses petits doigts (l'index et le majeur) en attendant son biberon que nous allions lui donner. Marielle je voulais l'appeler, parce qu'en 1965, c'est les sœurs Goitchel qui nous impressionnaient et je n'aimais pas le prénom de Christine, car c'est ainsi que se prénommait la fille de la directrice du collège où je me trouvais incarcérée.

C'est avec cette idée que je repartais au car, en sanglotant, le lundi matin, où mon père m'avait accompagnée, Quand je revins la semaine suivante, elle ne s'appelait plus Marielle, mais Nathalie, parce que la place rouge était blanche et que devant nous elle marcherai,

Et puis, chacun de nous, ses sœurs, son frère, on l'a choyée, ne manquant aucune des choses qu'elle nous demandait. Chercher sa Suzanne qu'elle avait égarée (poupée de chiffon, transformée au fil des ans en un petit bout de petas bien élimé) ; l'accompagner au jardin empêcher le merle de manger les pois ; aux Enclos, voir ses vaches ; chez la Francine, regarder la télé ; aux Barthes, chercher les champignons ; faire provision de châtaignes sur le chemin qui borde la vieille maison de l'Ernest, avant que la Marinette ne vienne nous chasser. Tant de lieux où on va la chercher.


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Longtemps. On la cherchera. Et puis un jour, à notre tour on s'en ira.
On ne la retrouvera pas. On ne la retrouvera plus jamais. Mais c'est en nous qu'elle est désormais.

Sans elle, Mael et Tom grandiront. Eux aussi la chercheront. Eux aussi la réclameront à leur maman, si éprouvée. Le vide s'installe pour longtemps, puis peu à peu, le souvenir le meuble et c'est à travers lui qu'on essaiera de se reconstruire. Elle était si fière de ses petits pour qui elle s'est battu sans répit. Ses rayons de soleil dans cette longue nuit qu'elle a traversée, sans jamais se plaindre, sans jamais dire combien elle souffrait. Faite de courage, d'abnégation, que sa force nous accompagne pour ce bout du voyage qu'il nous reste, au bout duquel elle nous accueillera et nous réconfortera.

Devant nous marche encore Nathalie...


2022 11 08 Lossedat et la Bugette (6)

 

Merci à vous mes amis pour vous mots posés ici, là bas, ailleurs...

Merci tout particulièrement à Fabie qui sur son blog lui a rendu un bien bel et vibrant hommage. Je suis très émue.

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