vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

21 septembre 2019

La vie est une rose


Aujourd'hui 21 septembre, journée toute ensoleillée, si particulière, comme cette autre d'il y a 34 ans où je devenais une autre. 

Une autre car ce n'est pas rien de devenir maman. 

Le soleil brillait ce jour là comme il a brillé souvent par la suite grâce à un petit bout de vie. Qui s'est affirmée jour aprés jour jusqu'à devenir un homme. Qui a lutté pour grandir et se faire une place. Qui continue de le faire pour la garder. La vie est une rose dont dit on chaque sourire est un pétale, chaque blessure une épine. Si fragile et parfumée, il faut en prendre soin pour la garder.


2019 05 31 fleurs (6)

 

 

  

17 septembre 2019

Nos rendez vous manqués.

Il faut profiter pendant qu'il en est temps. 

N'avons nous que le temps que nous prenons qui soit bon ? Celui que nous donnons, pourquoi le limiter ? Parce que l'un ne serait pas compatible avec l'autre ? Parce que l'un empièterait sur l'autre ? Et si les deux se conciliaient ? Se complétaient ? Sans doute en aurions nous moins de regrets.

Le 6 septembre je recevais via ma messagerie une invitation. J et G invitaient tous leurs amis, tous leur camarades, tous ceux qui durant tant d'années avaient marché avec eux d'un même pas et pour un même combat. La petite fête avait lieu mardi dernier, le 10 septembre. Je n'y suis pas allée. J'avais mieux à faire. 

Aujourd'hui  mardi 17 septembre, c'est par un petit message que j'apprends que J vient de tirer sa révérence. Il lui aura fallu moins de 8 jours pour s'en aller. Je ne connais pas encore dans quelles circonstances. Mais je sais que son cœur était usé. Usé d'avoir trop aimé, d'avoir trop donné.

Si je suis interpellée par sa disparition, moins de 8 jours après qu'elle ait donné sa dernière fête, c'est que je me rends compte un peu plus chaque jour combien nous sommes fragiles, combien notre monde est en équilibre sur un fil. Il suffit d'un rien pour que tout bascule.

Combien de rendez-vous, ai- je comme cela, manqués ? Définitivement manqués. Il n'y a pas toujours une prochaine fois.

Nous étions vers la mi février de cette année 1991. J'étais venu à la maison aider ma mère, la seconder. Mon père était mal. Le docteur n'était pas optimiste. Et lui, pauvre diable, las de souffrir, n'en pouvant plus, avait décidé de poser les armes. Depuis l'automne où il avait été hospitalisé, il ne se battait plus contre la maladie. Il se laissait partir, tout comme son père était parti. La famille, les amis, les connaissances venaient furtivement lui rendre visite. Une dernière fois peut être...

Il y eut cet épisode neigeux, tant redouté, comme souvent en février. Nous étions allé plusieurs fois, le Petitou alors âge de 5 ans  et moi, à pied dans la neige, chercher le pain au bourg, comme autrefois, en profitant pour faire de bonnes parties de boules de neige, de glissages et des bonhommes auxquels on cherchait un nez, une pipe, une oreille...   Ce soir là, la tourmente redoublait. Des amis devaient monter. Un coup de fil nous avertit qu'ils ne le feraient pas. Pas cette fois. Ils ne le firent, en effet, pas. Quand ils revinrent trois semaines plus tard, ce fut pour accompagner mon père. Lui était devant, nous marchions tous derrière. Un beau soleil éclairait la colline avant de disparaitre dans un crépuscule incandescent. Je n'oublierai jamais ces moments. Mon père aurait eu 110 ans la semaine dernière.

20 ans plus tard, ce 15 avril 2011, nous avions décidé de partir en vacances. Nos bagages chargés, nous prîmes la route. La matinée était agréable. Il faisait doux. Les arbres étaient en fleurs, un parfum suave s'en exhalait. Le cœur léger nous allions vers une autre contrée. Nous avions décidé de nous arrêter au retour pour voir maman. Le long Week end de Pâques s'annonçait, nous le passerions ensemble. Nous lui rapporterions des confitures de marrons d'Ardèche, comme elle l'aimait, délicatement parfumée avec de la vanille. Nous espérions que notre séjour se passerait bien, que la Jubine, cette sorcière  qui vivait par intermittence sous son toit, ne serait pas là à nous empoisonner la vie. Que nous profiterions de doux moments comme à chaque fois que nous venions et qu'elle nous attendait avec l'impatience de ceux qui sont privés de la présence de ceux qu'ils aiment mais qui sont loin... si loin, parfois. 

Le 18 au petit matin, un message sur le portable nous avertit que nous ne la reverrions pas... C'était trop tard. Pour les confitures... Pour les moments délicieux que nous n'avons pas su saisir... Pour l'au revoir. Le dernier des au revoir. Je n'ai pas fait mon deuil. Pas encore.

Je sais qu'elle non plus n'avait jamais fait celui des siens qui l'ont quittée.

Deux ans plus tard, le dimanche 16 juin 2013, c'est la fête des pères. Nous ne sommes pas descendu voir grand père. Il y a des petits chats à récupérer dans la maison du haut, pour notre ami Pierre. Nous n'avons pas trop le temps et puis les fêtes ça va ça vient. Grand père et grand mère vont bien, ils sont en pleine santé.

Le lendemain, lundi 17 juin 2013, il  est environ 10h30. La Ponette m'appelle en larme. Un grand malheur vient de se produire. Grand père vient d'avoir un très grave accident. S'en est fini pour sa fête des pères. L'automne précèdent, nous lui avions souhaité un bon anniversaire.

Il y a toujours un moment que nous ne vivrons pas ensemble et qui sera le dernier. Celui qu'il n'aurait pas fallu rater. Si on savait, si on pouvait, combien de fois arrêterions nous les aiguilles ? J'entends la voix de maman, dire à chaque fois,  ses regrets que ce soit la dernière fois. Incliner la tête et dire qu' on ne les reverra pas.

Adieu J. Je pense à vous. Tendrement à vous. Adieu, Camarade.

01 septembre 2019

Je ne sais pas si on verra quelqu'un aujourd'hui.


"Je ne sais pas si on verra quelqu'un aujourd'hui". Par cette phrase si souvent prononcée, ma mère tentait de nous dire sa solitude. Combien de fois l'ai je entendue ? Combien de fois ne l'ai je pas entendue ? Pas comprise ? Ignorée ? Prise à la légère ? 

Elle avait élevé ses sept enfants comme elle avait pu, avait su. Sa propre mère partie, 3 mois à peine, après qu'elle eut quitté le nid, elle se retrouvait seule, avec un foyer. Une belle mère qui la détestait, des belles sœurs qui la méprisaient, un beau père dont il fallait s'occuper, un mari  sans doute pas très attentif à cette solitude et cette souffrance qui s'installaient. Elle avait assumé. Elle avait assuré. Quand elle fut enceinte de son premier enfant, elle dut faire face, sans trop savoir ce qui l'attendait. Et puis, il y avait les vaches, les travaux des champs, la ferme, la maison, tant de choses à faire sans le moindre soutien, sans la moindre assistance, ni le moindre conseil, pas plus que la plus petite écoute et attention. Sans doute son homme, comme on disait, ne pensait pas faire mal en ne s'attardant pas à ses côtés. Lui c'était un endurci. Par le labeur. Par la vie aussi. Pas du genre à s’apitoyer. Il voulait changer le monde qu'il savait profondément injuste. C'est dans ce combat là qu'il s'était engagé. Bien sur, il fut toujours là, mais en ce temps, les hommes avaient une place : la leur. Les femmes, elles, devaient se contenter de celle qui leur restait : celle d'épouse de, sans encore beaucoup de droit, sans statut social autre que celui là. Avec un rôle de subalterne, bonne à s'occuper du foyer, sans broncher. Mère et épouse, femme et servante.

Alors seule, sans ses amies, sans la chaleur et la complicité de celle qui l'avait toujours choyée, soutenue, aimée. Coupée de ses racines. Déplantée au pays de l'hostilité. Elle tenait bon, mais combien de fois avait elle oscillé ? Ployée ? Combien de fois avait elle remballé sa fierté ? Sa dignité ? Combien de fois avait elle pleuré ? La Mignonne qu'on avait ramenée de chez elle, une fois sa  mère disparue, était bien là pour l'écouter, mais comment aurait elle pu l'aider ?

Je suis pourtant certaine qu'elle lui parlait. Elles se parlaient. L'une confiant à l'autre, sa peine. L'autre regardant l'une, de son bon regard de vache, tendre et ému, comme pour la consoler. Tout au moins, elle la rassurait. Et c'était beaucoup, déjà.

Et le Pyram, ce bon vieux gros chien, au museau de feu ? Il trouva les lieux si hostiles que par deux fois, il s'en revint d'où il venait.

Combien de fois s'était elle dit qu'elle aurait bien du en faire autant et repartir d'où elle venait ? 

Une fois l'an, elle revenait au pays, dire à ceux qui étaient restés qu'elle ne pouvait les oublier. Une fois l'an.   Elle retrouvait le Pyram toujours au museau de feu. Pendant 4 ans encore, elle le retrouva régulièrement lors de courtes visites à ce qui lui restait de lien et de famille dans son pays adoré. Mais un jour, la tante Maria qui avait recueilli le chien s'éteignit à son tour. On ne tenta même pas de reprendre Pyram. Son frère, mon oncle, éteignit Pyram, le bon chien au museau tout flamme,  en un coup de feu. Un drame suivait un drame. Nous étions en 1956. En janvier. Dés lors la porte aux drames était ouverte. Nul ne savait quand elle allait se refermer.

Elle avait deux enfants dont il fallait s'occuper. Deux petites filles, dont une faillit mourir ce long hiver, alors qu'une troisième s'annonçait. Et toujours personne à qui confier sa peine et poser quelque instant un lourd fardeau qu'elle allait porter quoi qu'il advienne.

Seule la Francine, notre voisine, venait la soulager, parler, se soucier. Guère mieux lotie, elle était de bon conseil, cette Francine,  rendant service sans se faire supplier. Ses deux enfants à elle, bien qu'adultes, n'avaient pas plus de raison que n'ont les sansonnets. Imaginez tout ce qu'elle a pu endurer, car je suppose qu'elle non plus n'avait pas tant de soutien que ça  et devait bien s'en contenter ! Dures étaient les femmes de la terre et pourtant si méprisées ! Pourtant, sans elles, que serait devenue cette terre, pendant que les hommes s’entre-tuaient dans les tranchées ?

Pensez alors, combien cette femme, ma mère, était heureuse, quand ses filles étaient à ses côtés !

Je me souviens comme elle nous accueillait, nous les deux grandes quand de l'école on revenait. Je la revois revenir de ramasser les pommes de terre depuis le champ des Enclos, quand elle nous voyait descendre par le chemin de la Pinatelle. Je la soupçonne d'avoir souvent regardé sa montre et de nous guetter de peur de  rater notre retour et que porte close nous ayons trouvé.

Je la revois venir se poster en embuscade, dans le bois, pour surprendre les "grands" qui nous embêtaient sur le chemin de l'école.

Je sens la chaleur de sa main quand elle me suivait à l'école et que dehors il gelait ou neigeait.

J'entends sa voix quand, ouvrant la porte de l'escalier qui descendait de sa chambre, elle me trouva dans la cuisine, où je l'attendais, ce jour d'octobre où j'étais venue pour rester avec elle pendant que mon frère avec qui elle vivait, était parti en voyage avec sa belle, pour la semaine.  Semaine qui ne dura que 2 jours, car sitôt arrivés, déjà repartis les tourteaux (oui vous avez bien lu, j'ai bien écrit les tourteaux) de l'an 2000. 

Mais quelle complicité pendant ces deux journées que j'aurais voulu voir durer des années !

 Je pense souvent à elle et je me prends, moi aussi, à dire :

 "savoir si on verra quelqu'un aujourd'hui ?"

  

Un 24 mars ordinaire.

 Un grand merci à Fabie qui a beaucoup oeuvré pour l'ouverture de ce nouvel espace avant que le blog initial, toujours le même ne me fas...