vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

24 janvier 2019

Comme un merveilleux goût de complicité.

 

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Je me souviens bien de ce panier ! Nous étions parti tous trois en balade, mes enfants et moi, le long de nos chemins creux. C'était une belle après midi d'été. Les congés venaient de commencer et mon grand était arrivé à la maison, pour trois semaines. comme j'avais hâte de le retrouver, lui que je ne vois guère que 3 ou 4 fois l'an ! Le repas avalé, nous étions partis tranquillement profitant de ce temps chaud de juillet qui précède les journées de chaleur lourde qu'aout nous dispense à volonté. Arrivés au bord de l'allée qui précède le château de La borie en Limousin, de gros cerisiers offraient abondamment leurs fruits sucrés. C'était de gros cerisiers sauvages comme ceux que nous avions autrefois au pré des Enclos, et qui nous protégeaient de leur ombre, pendant que les parents s'échinaient à flâner. Plus grandes, nous aidions aux fenaisons, pendant que les petites sœurs et le petit frère se prélassaient sous leurs branches, dégustant les fruits parfumés. Le chien à leurs pieds mangeait les noyaux que nous retrouvions le lendemain dans ses déjections. Cela nous amusait de les compter. On aurait dit des chapelets tant il y en avait.


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Nous n'avions pas prévu de cueillette, ne sachant pas qu'il y aurait des cerises à ramasser. Nous n'avions donc rien pour les transporter. "Est ce que tu saurais faire un panier ?"  Me demanda Romain que la gourmandise, titillait. N'osant lui avouer mon incompétence en la matière, je lui répondis que je n'en avais jamais fait mais que cela ne devait pas être très compliqué. Un peu d'imagination, quelques branches de jeunes pousses de châtaigner, deux ou trois fougères pour le tapisser et des joncs pour nouer entres elles branches et fougères. Comme il y avait tout le nécessaire à proximité, nous nous sommes risqués à la confection d'un petit panier improvisé. Nous l'avons rempli de délicieuses cerises puis délicatement transporté. Arrivés à destination, les cerises furent équeutées  puis garnirent le moule à clafoutis avant d'être dégustées. Je crois qu'il y a longtemps que je n'avais pas mangé de milliard aussi bon. Celui ci avait un merveilleux goût de complicité. Il me rappelait si délicieusement ceux confectionnés par maman. Nos cueillettes enfantines. Nos galopades dans les prés. Les superbes et douces journées d'été. Les moments de joie. Le partager avec ceux qui m'étaient le plus chers au monde renforçait encore ce goût du bonheur qu'il ne faut pas laisser passer.


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Un si petit attelage (Un si petit village, suite.)

 En auvergne, les fermes se composent de la maison d'habitation jouxtée par la grange et l'étable, une porte intérieure permet le passage de l'une à l'autre sans passer par dehors.

carte postale ancienne


C'était le cas dans la vieille maison familiale. Jusqu'en 1909. Il y a toujours au fond de l'étable la grande cheminée comme autrefois, où bêtes et gens vivaient dans la même pièce. Une seule et même pièce où la chaleur des vaches profitait aux gens. Où le chien et le chat voisinaient avec les poules, le goret et tout ce qui vivait là. Mes grands parents ont construit de leurs mains la nouvelle maison, transformé l'ancienne, aménagé les dépendances et mon père est né dans cette nouvelle maison, une maison bien confortable avec une arrivée d'eau dans la souillarde. Avec une disposition bien rationnelle de l'ensemble des pièces, équipées pour recevoir de nombreux descendants. Mais il n'y avait pas de porte intérieure entre la maison et la grange. Il nous fallait donc sortir pour aller à l'étable. Par temps de neige, la porte souvent obstruée devait être dégagée, et le passage ouvert pour aller soigner les bêtes qui ne nous offraient plus leur bienfaisante chaleur, mais dont nous aurions bravé tous les danger pour aller retrouver. Mon père était sans arrêt équipé d'un balai fait de branches d'osier ou de genêt  qui lui servait aussi à balayer l'étable, car il aimait tenir propre cet étable où tout compte fait il passait plus de temps qu'à la maison. C'était son domaine et personne ne le lui disputait. Avec l'étable grouillant de vie, chacun retrouvait un espace particulier. Le mien c'était la crèche des vaches, comme je vous l'expliquais. Mais il y avait aussi un coin que j'affectionnais, c'était le passage entre deux soues à cochons. Ce lieu isolé et à peu prés propre avait ceci de particulier : qu'il offrait à chacun un peu d'intimité. J'aimais m'y sentir seule pour méditer. Mon père avait un autre lieu bien à lui, qu'il appelait le grenier. Il y entreposait le grain pour les farines qu'il fabriquait. Il y avait aussi tous ses outils qui lui permettaient de bricoler.

Pour un de nos Noël, je reçus d'une de mes tantes, un cadeaux merveilleux que je convoitais depuis longtemps. C'était un magnifique attelage composé d'une paire de bœufs et d'une jolie charrette (que j'ai encore aujourd'hui). Naturellement, ce cadeau, fit saliver ma petite sœur qui s'était vu offrir une simple poupée. L'hiver suivant, papa, s'enferma des journées durant dans son atelier. Sans relâche, il tailla, ponça, rabota, et fignola. A la Noël venue, une superbe paire de bœufs en bois blanc avec un tombereau du même bois, travaillé avec amour et élégance trouva place dans les sabots de ma petite sœur qui toute émerveillée n'eut pas assez de mot pour remercier ce bon papa Noël qui  ne l'avait pas oubliée. 

Que c'était beau à voir, cette enfance qu'un rien sublimait !

Nous avons gardé longtemps nos attelages que le temps a fini par disperser. Je ne sais pas ce que sont devenus nos bœufs. Plusieurs fois cassés, autant de fois réparés, ni le joli tombereau, j'ai retrouvé le char qui fut le mien, mon mari l'a restauré, aujourd'hui, il trône en bonne place avec une autre paire de bœuf, il contient un modeste panier, fait de fougères et de clisses de châtaigner. Ce panier que nous avons fabriqué avec mes enfants, un jour de cueillette de cerises, lors d'une balade improvisée.


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voici la charette et le fameux panier : de sa confection à celle...

de la confection du panier à ...

27072013 le milliad auvergnat (21)du millard Auvergnat que nous avons dégusté !

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22 janvier 2019

Un si petit village. ( suite). La neige.

 Aujourd'hui il neige. Cela me renvoie à mon enfance, quand les hivers froids nous paraissaient si longs et que maman nous accompagnait à l'école. Il n'était pas rare qu'arrivés à la Pinatelle, nous rebroussions chemin. Des congères plus hautes que nous ne nous permettaient pas de franchir le passage balayé par les vents. Juste en haut du chemin à l'angle du clos du Charles et du chemin qui descend à la croix des Verts. Là le vent s'engouffrait dans un couloir et rabattait toute la neige formant un véritable mur infranchissable.


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la Pinatèle (10)


Notre menotte dans celle chaude de maman se décrispait alors, toute contente de revenir se chauffer prés du vieux poêle à la maison. En arrivant nous posions nos chaussures, nos habits d'école et courrions à l'étable où papa terminait la traite et le pansage des vaches. Nous nous réfugions prés de la Charmante ou de  la Mignone. Quand la traite était terminée, nous donnions à boire aux petits veaux tapis bien au chaud dans leur abri tout couvert de paille. 

 

Puis venait l'heure de faire boire les vaches. Nous les amenions prés du grand bac en bois, en haut de la maison. Souvent il fallait casser la glace qui recouvrait le dessus. Trois par trois, nous détachions les vaches et les accompagnions jusqu'au retour à l'étable où rassasiées et abreuvées, elles se couchaient pour ruminer tranquille. C'est dans cette chaleur douce et rassurante que nous passions nos temps de repos forcé, en contemplant nos vaches et écoutant leur respiration. Nous n'avons jamais regretté d'avoir manqué l'école et nous bénissions ces temps de neige qui nous permettaient de rester encore un peu à la maison.


la Nono au bac


Plus tard dans la journée nous passions notre temps à nous chamailler devant la cheminée. C'était à qui aurait la meilleure place prés du fourneau. Là les pieds dans le four, nous nous prélassions feuilletant un illustré pendant que maman tricotait et que papa lisait son journal. C'était le journal "La Terre" auquel il était abonné. Je me souviens qu'enfant, je le regardais les yeux grans écarquillés. Il y avait toujours quelques photos de vaches que maman me découpait la semaine suivante, avant que le journal ne serve à allumer le feu  et à entourer les briques bien chaudes qui réchaufferaient notre le lit le soir, venue l'heure du coucher.

 Ah ces soirées magiques ! quand tombait le jour, il fallait recommencer le pansage des bêtes, puis à nouveau les abreuver. Nous mangions ensuite la soupe puis c'était l'heure de la traite. Je me souviens que nous mangions toujours avant la traite. Puis après avoir couché les plus petits, maman préparait la pâtée des cochons et nous suivions à l'étable. Parfois c'était l'inverse, on faisait le travail d'abord et on mangeait ensuite, ce qui permettait de poursuivre un peu la soirée pelotonnés devant le feu.  Plus grandes, nous aidions à la traite à notre tour. Chacune avait sa ou ses vaches attitrées. moi c'était la Charmante, vous l'auriez parié !

Le lendemain, nous regardions sur les carreaux, danser ces animaux de dentelles que le givre avait fait naître, la nuit sur nos fenêtres. Je me souviens de ce poème de Maurice Carême, intitulé le givre qui disait ainsi :

"Mon dieu comme ils sont beaux

Les tremblants animaux

Que le givre a fait naitre

La nuit sur ma fenêtre.

Ils broutent des fougères
 
Dans un bois plein d’étoiles,
 
Et l’on voit la lumière
 
A travers leurs corps pâles.
 
 
 
Il y a un chevreuil
 
Qui me connaît déjà ;
 
Il soulève pour moi
 
Son front d’entre les feuilles.
 
 
 
Et quand il me regarde,
 
Ses grands yeux sont si doux
 
Que je sens mon cœur battre
 
Et trembler mes genoux.
 
 
 
Laissez moi, ô décembre !
 
Ce chevreuil merveilleux.
 
Je resterai sans feu
 
Dans ma petite chambre."


Je n'ai pas oublié ce poème et il me plait à revoir ces tremblants animaux que j'ai contemplé longtemps derrière mes carreaux.

Quand le temps radoucissait la neige se tassait, nous entreprenions alors des balades aux alentours. Les Enclos, bien sûr, la Prade, où d'autres chemins de traverse nous conduisaient à travers bois. Maman nous accompagnait souvent, histoire de s'évader d'un quotidien bien lourd, parfois, à supporter. Nounours notre jolie chienne feu et gris taché de noir nous accompagnait toujours. Nous aimions particulièrement ces moments enchantés passés auprès d'elle. Elle était magnifique quand elle sautait pour attraper le bâton que nous lui lancions. on aurait dit qu'elle s'envolait.

Et puis nous avons grandi, Nounours est partie. Nous n' avons plus jouer à saute bâton. Les hivers sont devenus plus doux. Le ramassage scolaire a enlevé aux enfants quelques unes des joies de l'hiver. Mais même si je n'aime toujours pas le froid, l'humidité et la neige glacée, je regrette ce temps où nous étions heureux.


la maison des enclos

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Oui, il est bon de retrouver son enfance, c'est ce que je fais à chaque fois que je reviens ici toujours avec le même allant. Parfois je redécouvre des lieux familiers et observe combien ils ont changés. Parfois, j'en découvre de nouveaux, insoupçonnés. Il est alors bon de rêver et d'imaginer comment autrefois la vie ici se déroulait. Je vais un peu plus loin dans mes investigations jusqu'à d'autres recoupements, d'autres souvenirs que je reviendrais vous confier bientôt.

 

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hiver 2012 des vaches des chevaux et des chats 008

chez le babot

Un 24 mars ordinaire.

 Un grand merci à Fabie qui a beaucoup oeuvré pour l'ouverture de ce nouvel espace avant que le blog initial, toujours le même ne me fas...