vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

03 novembre 2020

Il faisait si beau ce matin.

C'était une journée ordinaire. Une journée que l'on eut pu dire printanière malgré le vent d'automne. D'ailleurs il faisait beau. Le soleil paresseusement se reflétait derrière les carreaux. Minette au jardin se prélassait, guettant une proie ou bien  un bruit d'oiseau.  Le vent  dans ses poils dansait et faisait le beau. 

 Minette aimait courir et danser dans les roseaux. A peine on la quittait des yeux que déjà elle se dérobait au beau milieu de ce qu'il restait de vieux monceaux de bois, de quelques outils anciens dont l'usage n'était plus que souvenir d'un monde révolu et disparu à tout jamais.

Sans que l'on y prenne garde, Minette prenait le large et s'éloignait un peu. Elle prit de plus en plus de distance et élargit son champ de jeu.

Elle s'approcha de la clôture et disparu derrière la haie. La route si proche représentait multiples dangers. Les voitures si promptes à se déplacer la heurtèrent, un jour. Malgré le mal et le froid qui l'envahissait, elle réussit cependant à se hisser sur le bord du fossé.  Alertés, ses maîtres se précipitèrent pour la soulager.  Transportée d'urgence à la clinique vétérinaire, elle fut laissée mourante, personne ne donnant cher de sa peau. Ce furent alors  de longues et interminables journées d'angoisse. Puis un jour, elle se réveilla de sa torpeur. Soignée, dorlotée, Minette peu à peu récupérait. Elle revenait de loin, mais elle était sauvée. 

Elle reprit son manège dans l'enclos du jardin où elle chassait les mulots. La vie pour elle avait la saveur du renouveau. Elle avait peur désormais des bruits de moteur et dès qu'elle en entendait, elle se faufilait au creux d'une improbable cachette sensée la préserver.

Désormais, Minette était équipée d'un beau harnais et d'une laisse d'où elle ne pouvait s'échapper. 

Mais à trop préserver on peut aussi tout faire basculer. 

C'est ce qui s'est passé en cette journée que l'on eut pu dire printanière, malgré le vent d'automne qui chantait dans les roseaux.    

Il faisait si beau ce matin. Nous avons mis Minette en terre, au pied du grand sapin.   

19 octobre 2020

A cœur ouvert.

Papa, Maman, nous vivons aujourd'hui de drôles de choses. Vous n'êtes plus là pour le voir, mais, pardonnez moi, j'ai la faiblesse de penser que pour vous c'est une chance.

Certains pensent et disent que le jour de notre mort, notre conscience ne meurt pas. Seule notre enveloppe physique disparaît pour se dissoudre dans la matière organique des éléments. Nous n'avons plus aucune relation avec le monde matériel, celui qui aujourd'hui nous enferme et nous oppresse. Le spirituel face au matériel, voilà l'alternative qui nous échoit.

La dictature en marche de la république avance à pas de géant. Parallèlement des consciences s'éveillent. Ce qui les inquiètent c'est d'abord comment les contre carrer. Comment les endiguer. On y croit ou pas, mais la manipulation des consciences est bien là et fait son œuvre.

Vous avez fait, vous avez vécu la guerre. Rien ne vous a arrêté. La guerre vous l'avez gagnée. Avec le concourt d'autres, comme vous. Des épris de liberté, des hommes et des femmes sincères qui ont œuvré pour le bien de l'humanité. Pour le bien de la société. Ils étaient unis dans la lumière pendant que dans l'obscurité œuvraient les forces du mal, celles destinées à asservir toute l'humanité. Et aujourd'hui ça recommence ! Le capitalisme en lui porte la guerre comme la nuée porte l'orage. Mais, combattants d'hier, que reste -t-il des leçons dont vous avez  pour nous, du sang versé ?

Je suis triste  et démunie au point de vous décevoir. Je suis triste car impuissante à faire comprendre un message d'amour et de paix. Je suis démunie devant ce vide immense dans lequel se perd l'écho. L'écho c'est celui de la voix raisonnable qui permettrait que s'éveillent les consciences et que nous sommes si peu à relayer. Je suis démunie parce que les instances auxquelles j'ai cru, et adhéré ne sont plus en capacité de faire vibrer les mots qui nous rassemblent. Je suis triste car nous allons laissé un monde à nos enfant qu'en aucun cas ils ont mérité.

Nous avons vous trahis ? Ne sommes nous plus dignes de vous ? Nous ne sommes pas dignes de nos enfants, c'est certain, pour leur avoir volé un avenir que aviez pour nous imaginé, et en partie réalisé. Fait de progrès social, de liberté retrouvé, de culture, de savoir, d'humanité que vous vous étiez acharnés à nous enseigner.

 Au nom de tous les miens, je vous demande pardon pour ce courage qui m'a manqué. Pour cette détermination qui n'aura pas suffit à perpétuer  ces valeurs que vous nous avez enseigné. Pour mon incapacité à endigué la vague qui nous détruit. Pour notre inconscience collective, pour notre égoïsme, pour notre négligence, pour notre inconstance.

S'il est vrai que comme on fait son lit on se couche, tu nous le disais souvent, maman, je persiste à croire que la majeure partie de ce qui constitue l'humanité n'a que ce qu'elle mérite, ce qu'elle est capable d'avoir et que nous, nous sommes les sacrifiés. Car nous on n'a pas voulu de ce monde ni de cette vie qu'on nous fait. 

 

19 juillet 2020

Fauvette.


Pour remercier Ambre Neige de son super cadeau,


qui souhaitait quelques explications supplémentaires au sujet de Fauvette, je vais donc vous parler d'elle et des liens particuliers qui nous unissaient.

Quand on dit Fauvette, chacun pense à ce petit oiseau partiellement migrateur, gris roux au plastron blanc, qui égaie nos vergers et nos jardins. La mienne de Fauvette, était rousse tâchée de blanc. Sa mère Roussette nous l'avait donnée comme un cadeau du ciel.

Je ne me souviens plus de l'année exacte, mes sœurs, lectrices de ce blog rectifieront. Était-ce en 1970 ou 11 ? Plus tard ? Je ne me souviens pas. Nous avions, mon père et moi, choisi cette magnifique vache rousse au plastron et à la tête toute blanche, lors d'une foire à Sauxillanges.


la Roussette


En ce temps là, foires et marchés animaient encore nos vieilles contrées. Nous nous y rendions volontiers, histoire d'agrémenter notre quotidien. C'était l'occasion de voir du monde, de boire un canon au bistrot de la place du village et pour nous les filles, jeunes ou moins jeunes, de faire quelques emplettes et de s'encombrer de quelques bibelots ou colifichets. Nous ne rentrions jamais bredouilles, le cœur plein d'allégresse et plein d'entrain pour les lendemains. Je me souviens de ces foires d'antan, quand j'accompagnais mon père aux marché aux cochons, aux veaux ou aux belles vaches de toutes races que je m'amusais à détailler. L'animation qui régnait sur les places du foirail était à son comble. Chacun allait de son invective pour attirer les badauds, les bonnes affaires foisonnaient surtout pour les camelots, les chalands eux, se contentant de marchander tant soit peu pour débourser le moins possible.  A Issoire, par exemple, il y a encore cette ancienne place du marché aux cochons devenue place de la Montagne, mais que les anciens situent mieux quand on leur dit "tu sais c'est sur l'ancienne place du marché aux cochons !" Si je partais avec deux francs en poche, je revenais souvent avec  le dernier numéro de "Miroir du cyclisme", car le vélo était ma deuxième passion. Je connaissais tout de la vie de mes champions, enfin, tout ce que tout le monde savait. Leurs exploits, leurs performances dans le dernier Dauphiné Libéré, le tour d'Espagne ou celui de Lombardie, Paris Brest, Paris Roubaix ou quel qu'autre compétition suivant la saison, mais surtout  quelles seraient les meilleures équipes pour le tour de France qui devait avoir lieu en juillet, pendant que l'on fanerait. 

Notre Roussette installée à la place qui lui revenait, c'est à dire à la place de celle qu'elle remplaçait, la Mascotte en l'occurrence,  je la contemplais. Je la bichonnais, je lui parlais et lui promettais longue vie parmi notre modeste troupeau. Elle promettait une longue carrière de laitière, elle était douce et coopératrice, j'aurai plaisir à la traire et la conduire au pré. Quelques mois plus tard, notre Roussette mit au monde un joli petit veau tout tacheté de roux. C'était une petite velle de pure souche Montbéliarde. Sa mère s'étant révélée bonne laitière, sa morphologie étant satisfaisante, je voyais en elle des promesses de lait doux, de beurre gouteux et de fromages savoureux. N'ayant pas de travail, et restant à la ferme en attendant des jours meilleurs côté professionnel, je suppliais mon père de la garder. Il tergiversa longtemps, se montrant retissant, il se fit tirer l'oreille, mais finit par accéder à mes arguments. Je la baptisais Fauvette.


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Je m'en occupais comme d'un bébé, lui offrant toutes sortes de friandises dont elle se délectait. Je lui donnais même des bâtons de guimauve dont elle raffolait. Le printemps étant encore loin, elle restait à l'étable avec les autres, mais quand vint le temps d'aller au pré, au prétexte qu'elle était encore jeunette et que les autres vaches risquaient de la blesser, nous ne l'avons pas mise à l'herbe avec ses ainées. Je la gardais dans le pré derrière notre maison. Ses premières sorties, la virent un peu pataude et mal assurée, mais elle prit rapidement ses aises et se montra très habile dans son nouvel élément. Je lui parlais sans arrêt, c'était un vrai plaisir de discuter avec elle, car elle me comprenait et me répondait. Toujours à chercher un câlin, ma présence la rassurait, c'était moi sa vraie maman. Ne me quittant pas d'une semelle, elle se frottait à moi cherchant un contact permanent puis allait brouter quelques touffes d'herbe fraîche avant de revenir à mes pieds.

Je me souviens d'une fois particulière où elle m'avait sauvé la mise, me tirant d'un mauvais pas. Mais avant il faut que je vous raconte cette autre histoire. J'avais 20 ans, le plus bel âge, dit on, mais pas de travail, ni de mari. J'aimais les vaches, j'étais de la campagne, les travaux des champs ne me rebutaient pas et il fallait penser à mon avenir. Les sorties, les bals, ne m'intéressaient pas.  Dans mon entourage, on pensait à la question. Ma mère souvent se moquait de moi et me disait toujours :"ma fille tu ne te mariera jamais !" comme si une urgence à se marier, pour une fille de 20 ans, était incontournable, inéluctable et une fin en soi. Nous avions une connaissance qui aurait pu faire l'affaire, il me fallait marier un paysan ! mais naturellement ce n'était qu'en parole, car aucun des possibles protagonistes n'en avaient manifesté l'intention. Il y avait aussi dans le voisinage un peu lointain, un couple que nous fréquentions, mon père étant en affaire avec le mari et elle  la mère d'une copine de ma sœur. Nous nous rendions quelques fois visite. Je fus donc invitée à venir passer une semaine à leur domicile, au prétexte que cela me changerait les idées. La vraie raison était bien entendu toute autre. La femme avait un amant qu'elle aurait bien voulu me refiler comme mari !

Seulement voilà, l'amant en question, bien que possédant un troupeau, assez modeste toutefois, de jolies Salers  n'était pas à ma convenance. Même,  représentait ce qui me rebutait le plus chez un homme : plus âgé que moi d'une bonne dizaine, (ce qui n'était pas un handicap majeur) mais rougeot et gras à souhait,  bedonnant et rustre, il possédait tout ce qu'il ne  fallait pas à une jeune fille romantique et sensible comme moi. Dépourvu du moindre attrait physique et d'aucune qualité morale ni intellectuelle qui puisse me faire rêver, je ne décelais pas en lui le futur compagnon de toute une vie. De plus mon jardin secret déjà envahi par une végétation beaucoup plus subtile, je n'avais aucune envie de chercher  ailleurs celui qui peuplerait mes nuits. Mon esprit vagabondant entre genêts de Bretagne et bruyère d'Ardèche, je cherchais la perfection, le miracle qui peut être me verrait tomber dans les bras de celui qui me ravirait.


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Le rustre donc s'étant cru dans l'ancien temps et pensant très fort à la chose, entreprit de me rendre visite à des fins courtisanes. C'est alors que la Fauvette entra en jeu.

Il arrivait par le chemin qui vient de chez la Francine, avec sa mobylette grise  quand ma sœur, Nicole, m'avertit de son approche. La Fauvette n'était qu'à quelques centimètres de moi. "Cache moi" lui dis je, ce qu'elle fit, tournant autour de moi comme la terre autour du soleil,  au fur et à mesure que l'autre approchait, me masquant à sa vue, tout à fait. "Bon dis je à Nicole, colle lui en bigot dans les mains et envoie le aux champs en lui disant que j'y suis déjà". Ce qu'elle fit. Lui partit d'un bon pas, pour ne revenir que le soir après une bonne après midi d'ouvrage pour lui, de détente en compagnie de ma vache pour moi. Il resta tard à discuter avec mon père, autour de la table, pendant que je m'affairais à de toutes autres activités sans lui accorder le moindre regard ni le moindre intérêt. Le scénario avait parfaitement fonctionné. Il se reproduisit une fois ou deux, pas plus, car il comprit assez vite qu'il n'obtiendrait rien de plus, d'autant qu'il m'avait écrit une lettre qui plutôt que de m'enchanter, m'avait choquée et qui n'obtint pas la moindre réponse de ma part. Savoir traiter par l'indifférence ce qui nous est imposé.


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Il lâcha donc l'affaire, mais ne renonça pas à se caser. Quelques années plus tard, alors qu'elle approchait à son tour de l'âge où les filles sont bonnes à marier, Nicole reçut mots pour mots,  la même lettre enflammée. Nous avions ri de l'affaire, moi j'étais partie à Paris, et elle sur le point de faire sa vie. Je ne sais pas ce que le prétentieux prétendant devint, à vrai dire cela ne m'a jamais préoccupée. J'aimais les vaches plus que les hommes et c'est toujours aussi vrai.

La fauvette, quant à elle,  était devenu une belle vache placide et attachante que je retrouvais à chacune de mes venues à la ferme.  Tous les mois d'abord, puis avec le temps, les visites s'espacèrent bien que régulières, car je n'ai jamais pu me soustraire à mes racines, seule la vie a compliqué les choses.


au temps des vaches de lossedat

Elle ne se sauvait plus du pré pour venir me retrouver, comme cette fois où l'ayant conduite auprès de ses congénères, je vis venir vers moi, le Denis, notre voisin, me prévenir que Fauvette, sur le chemin du Ruisseau,  était entrain de retourner à la maison. Ne me voyant plus, elle avait sauté les clôtures et reprit la route de son étable, celle que nous avions emprunté ensemble dix minutes plus tôt. Je la raccompagnais donc à son enclos et lui expliquais qu'elle était grande à présent, et que désormais c'est avec les autres vaches qu'il lui fallait rester, que moi, elle me retrouverait le soir. Elle pleura beaucoup, ses beuglement amplifiés par l'écho me déchiraient le cœur, si bien que j'étais souvent tentée d'aller la rechercher, elle me rappelait les premières séparations d'avec ma mère quand pour la première fois je quittais la maison pour aller à l'école, et que le regard tourné vers le chemin de la Maillerie, j'attendais en pleurant l'heure de la sortie. J'allais la voir souvent au fond du pré des Enclos, elle était occupée à brouter mais dès qu'elle m'apercevait elle se précipitait vers moi pour se faire caresser. Puis, complimentée,  elle retournait sagement au sein du troupeau.

Une vache exceptionnelle qui fit l'objet d'une éducation particulière, elle même assez exceptionnelle !

Je n'ai pas oublié la Fauvette, ni aucune de celles qui ont accompagnées, leur vie durant, ma destinée. Je n'ai qu'un seul regret : celui de ne pas les avoir aimées davantage et surtout de ne pas leur avoir montré à quel point, pour moi,  elles comptaient.


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Aujourd'hui, c'est Petit Lion qui bénéficie de ce que mes regrets ont entrainé.


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Voilà l'histoire de la Fauvette. Je pourrais raconter l'histoire de chacune de toutes celles que j'ai côtoyées, mais une vie y suffirait-elle ? Les mots ne traduisent pas toujours les émotions, parfois même,  les trahissent, alors je vais continuer de penser à elles avec au fond du cœur ce pincement qui parfois nous fait pleurer. Je n'ai pas de regret quant à mes choix de vie, simplement je ne peux m'empêcher de penser à ce que les choses auraient été si elles avaient été autrement. Mais cela ne changeant rien à l'affaire, il est temps pour moi de les laisser en paix.

 J'espère chère Ambre, et vous tous qui me lirez, que ce récit ne vous aura pas trop ennuyé. Qu'il vous aura au contraire fait découvrir combien ces merveilleuses créatures que vous découpez dans vos assiettes méritent le respect en même temps qu'une toute autre considération que le prix payé  chez le boucher.

 

Un 24 mars ordinaire.

 Un grand merci à Fabie qui a beaucoup oeuvré pour l'ouverture de ce nouvel espace avant que le blog initial, toujours le même ne me fas...