vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

25 juin 2022

Parler de la pluie et du beau temps.

La pluie tombe derrière les carreaux et je m'ennuie. Non je ne m'ennuie pas ! Je médite. C'est pas pareil. Cela fait plusieurs jours qu'il pleut. Cela rafraichi les températures  de ces derniers jours qui étaient insupportables. Cela apporte de l'eau aux jardins, aux prairies, aux récoltes qui en avaient tellement besoin. Mais surtout, ces pluies d'été ravivent de nombreux souvenirs en moi et me replongent loin dans l'enfance.

 Il avait ces jours là son grand parapluie noir, un vieux parapluie de berger. Comme il ne pouvait ni aller aux champs, ni faire les foins, c'est lui qui partait garder les vaches. Ils les amenait au pré du ruisseau. Une terre ingrate, recouverte de genêts et d'herbe rêche. Nous avions cette pâture en appoint, contre son entretient. C'est à dire que nous n'en payons pas la location, nous la faisions pâturer. Tout prés de la maison, elle  permettait de sortir les vaches par mauvais temps. Avant de les conduire ici, il avait mis dans leur crèche un peu de foin pour compléter cette mauvaise nourriture qu'elles allaient trouver sans se rassasier. Nous l'accompagnons toujours, mes sœurs et moi. Nous nous abritions sous son grand parapluie, ou nous jouions parmi la lande sans autre préoccupation que de tuer l'ennui. Parfois s'il avait autre chose à faire, c'est elle qui partait garder, tours nous l'accompagnions. Notre chienne, la Lorette, suivait le maigre troupeau et chassait les rats taupiers pendant que sous son autre parapluie, noir lui aussi mais plus petit que celui de mon père, elle raccommodait chaussettes ou tabliers rattrapés pas l'usure et un certain nombre d'années. Maman gardait plutôt le soir, tandis que papa s'y consacrait surtout les matins, pendant qu'elle cuisinait. Plus tard, c'est nous qui allions garder, nous n'aimions pas trop cette responsabilité qu'on nous confiait.  Nous inventions ma sœur et moi, des jeux pour nous occuper. Parfois nous oublions de surveiller nos vaches qui s'éloignaient du pré. Je me souviens d'une fois, nous gardions aux narces, une mauvaise pâture marécageuse, faite de joncs, de fougères et de vergnes, située en bordure d'un bois, où les clairières offraient une herbe fraiche et parfumée. Nos vaches ne mirent pas bien longtemps à se rendre compte de la situation avantageuse que nous leur avions laissée. Aussi prirent elles le chemin qui monte en pointe vers, la plaine des lacs. Nos parents occupés à la récolte des pommes de terre, au champ de la Bugette, avaient pris soin de jeter un œil  de temps en temps de notre côté et surveillaient  de loin ce qui se passait. Tout à coup, alors que nous mimions une cérémonie d'enterrement, la Marlaguette, si je me souviens bien (nous venions de lire son histoire dans un livre du père Castor, que nous avait procuré une de nos tante), nous entendîmes des "Hé ! La haut ! Vos vaches ! vous les surveillez !  C'était ma mère qui ne nous avait pas perdu de vue depuis un moment. Par contre lorsque nous levâmes la tête, quelle surprise ! plus aucune vache dans le pré ! Nous étions paniquées, ma sœur et moi, et partîmes à leur recherche. La Kiki, notre chien qui avait remplacé la Lorette depuis quelques années fit bien mine de nous aider, mais sans succès. Nous étions au plus mal quand soudain, nous aperçûmes à travers les branches, maman tout essoufflée, venue nous aider à récupérer toutes nos vaches,  mais nous avions aussi reçu un bon savon. Nous n'avons pas oublié la leçon, je crois que plus jamais nous nous sommes aventurées à des jeux  en gardant les vaches, désormais nous apportions nos ouvrages de tricot ou de quoi lire un peu, histoire de passer le temps. Nous étions abonnées à "Frimoussette" et ce furent Suzon Dutil, Léa Glouton et Charles Jivon, qui nous tinrent compagnie durant nos longues après midi de bergères improvisées.



les enclos 1968

Lossedat 1948 avec la Lorette



Il me reste de cette enfance le goût des choses tendres. J'aimais notre pré du ruisseau, tout en bas du village. J'aimais mon bois des Barthes où nous allions charger du bois avec notre attelage, la Jaccade et la Mignone, ou la Jolie. Ces vaches étaient d'une patience extraordinaire. Je crois que si je n'avais pas connu tout ça, déjà je ne serais pas celle que je suis , encore moins celle que j'ai été, mais est ce dommage ? Je serais une autre, ou personne, qu'importe, il ne s'agit pas de moi, ni d'être ou ne pas être. Simplement dire ici, témoigner, oui, c'est cela, témoigner que cette vie là, a existé. Que c'était ainsi. La vie pas toujours facile, c'est un fait, nous préparait très jeune à l'affronter. Nous n'échappions pas à notre condition, modestes nous étions, modestes nous resterions. Je n'ai jamais songé que les choses puissent être autrement, je n'en ai tiré aucun regret. Aucune souffrance. j'ai eu une enfance dure peut être au sens physique du terme, mais heureuse, elle n'était pas si différente de celle de la plus part des enfants de cette époque non plus, où il fallait donner la main, participer aux travaux communs, avoir du courage, ne pas  se poser de questions existentielles, en avions nous seulement l'idée ? Nous n'étions pas centrés sur nous mêmes,  nous avancions tant bien que mal, mais nous avions à cœur de faire bien, d'être droit, de ne causer de tort à personne et  si des valeurs de partage me sont venues, c'est de là, de ces temps là, et pas d'ailleurs que je les tiens.

Un 24 mars ordinaire.

 Un grand merci à Fabie qui a beaucoup oeuvré pour l'ouverture de ce nouvel espace avant que le blog initial, toujours le même ne me fas...