vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

26 septembre 2021

Les caramels de Génie.

Aujourd'hui je voudrai vous parler de douceur. Ou plutôt de douceurs et plus exactement des caramels de ma grand mère. 

je n'ai pas connu ma grand mère maternelle, partie bien avant l'heure et bien avant mon arrivée. Ma mère me parlait souvent d'elle. Ce qui fait qu'au travers de ses mots je l'ai un peu imaginée. Les photos que j'ai d'elle, la représente âgée. Pourtant elle n'avait que 63 ans quand elle  a quitté ce monde. 

C'était une petite bonne femme, douce et aimante comme en témoignent les lettres qu'elle écrivait à son fils et que j'ai retrouvées.

Comme en témoigne le comportement de sa vache que mon père a récupérée aprés son décès. Comme en témoigne l'attitude de Pyram, son chien qui s'est senti abandonné quand à son tour, la tante Maria qui l'avait récupéré, s'en est allé. 

Toute sa vie consacrée à la terre et aux siens qu'elle a choyés, ma grand mère était une femme de labeur, honnête et courageuse à qui la vie fut rude et sans complaisance. Ma mère me racontait souvent les moments heureux de son enfance. Ses parents, son frère, les copines, Jeanne, en particulier, Maurice le cousin, la tante de la Verrerie qui était aussi ma marraine, chacun prenait place et tout s'imbriquait comme un puzzle que je devais reconstituer. Quand bien plus tard, j'en assemblais les dernières pièces, j'en conclus que rien n'avait été facile pour ces femmes de la terre, dont l'unique loisir étaient les petits plaisirs de cuisiner leurs confiseries. Cela allait du simple gâteau de Savoie aux œufs à la neige en passant par l'inimitable pompe aux pommes, la flognarde ou le millard aux cerises noires. Pour Génie, ma grand mère, c'était les caramels qu'elle faisait avec un peu de sucre, d'eau et de beurre fondu sur une plaque dite à caramel, précisément. Ceux ci en avaient surement l'authentique goût, celui inimitable qu'une marque de bonbon fabriqués à Saint Etienne, commercialisait dans les années 50. J'en ai encore le goût aujourd'hui, pourtant je ne l'ai jamais retrouvé. 

10 mai 2021

Mon voisin

 Mon voisin est mort. Et cela fait tout drôle de me dire qu'on ne le reverra pas. Mon voisin qui ne l'était plus mais qui le fut durant mes jeunes années jusqu'à plus tard, emporte avec lui une part de l'enfant qui est toujours en moi.

Je n'avais pas de contact ni d'affinité avec lui, en tout cas pas plus qu'avec n'importe qui que j'eus croisé autrefois. Cependant il était toujours là faisant partie du paysage, de l'immuable qui nous rassure et donne confiance car si beaucoup de choses changent et se transforment autour de nous, il bon et sain pour notre esprit de savoir que quoi qu'il en soit, certaines choses sont toujours là. Je le revois petit avec ses belles boucles blondes, frisées et son petit minois. Je le revois pendu au sein de sa mère qu'il ne quitta définitivement qu'au moment d'entre en classe vers l'âge de cinq ou six ans. Je le revois courir par nos charries, parfois venir à la maison partager le jeu de mes cadets, ou bien encore chez lui, le plus souvent, c'est là que nous nous retrouvions pour nos jeux et secrets. Enfin au tout début, car nos familles étaient brouillées et la sienne plutôt d'un naturel sournois.

Le premier souvenir qui me vient à l'esprit, pensant à lui, est celui qui faillit bien lui coûter la vie, vers l'âge de quatre ans.

Nous étions en classe, ma sœur et moi et ne rentrions pas à la maison pour le déjeuner. Nous restions à la cantine comme beaucoup d'enfants de fermes éloignées. Lui un peu plus jeune que nous, et le plus jeune de sa fratrie, était encore à la maison et suivait aux champs.

Son père venait d'acquérir un tracteur et labourait son champs, le champs d'en bas les Bèzes. Lui suivait partout et montait sur le tracteur aux côtés de son père. Habituellement cela se passait sans incident. Jusqu'à ce jour où, pour une raison dont j'ignore la cause, l'engin bascula. Lui le petit bout de chou, restant coincé sous le poids de la machine, la tête écrasée, les membres disloqués. Ce fut un coup d'état. La Francine, voisine la plus proche, ayant son jardin mitoyen du champ, accourut aux premiers cris déchirant de l'Odette  qui ne sachant comment sauver son enfant hurlait à fendre l'âme. L'enfant fut transporté d'urgence à l'hôpital le plus proche, distant tout de même d'une trentaine de kilomètres. J'ignore tout des détails, mais je sais que quand nous revînmes de l'école, ma sœur et moi, c'est bouleversée que ma mère nous informa de la terrible nouvelle. Denis, c'était son nom, était entre la vie et la mort à l'hôpital d'Ambert, où il resta dans le coma de nombreux jours. Il ne revint chez lui qu'au bout de quelques mois. Dès qu'il fut rétabli, ma sœur et moi sommes allée lui rendre visite chez lui et je garde de ces moments un mauvais goût de tragédie. Le savoir parti me renvoie à cette période tragique dont j'ai beaucoup de mal à me détacher. Paix ait son âme pour l'éternité.

Un bouquet de fleurs des champs

Quand de par ma fenêtre je regarde le parterre d'oxalis du voisin, je repense à mon enfance. Maman n'avait qu'un pot de fleur à la maison, c'était de l'oxalis. Nous ne connaissions pas encore cecnom : oxalis, nous disions du trèfle rose. L'avait elle ramené de sa maison natale,ou bien se trouvait il là à son arrivée ? Je ne le sais pas. la seule chose dont je me souvienne, c'est de son emplacement sur la fenêtre de la mison. Nous disions "la maison" pour parler de la pièce commune. Il était protégé de la lumière directe du soleil par une paire de rideaux dits "bonne femme", à carreaux jaune et blanc. Une frise froufroutait à la cîme. Tout à côté de pot de trèfle s'ammoncelait un tas de journaux qu'il ne fallait pas jetter, car leur deuxième usage était l'allumage du poêle.  Ils avaient même une troisième fonction, ils servaient d'emballage, autant pour les fromages, les oeufs ou autres denrées que les briques en hiver, destinées à réchauffer nos lits glacés.

Maman aimait beaucoup les fleurs, nous cueillions souvent pour elle des fleurs des champs. Jonquilles qui étaient les premières  et que nous appelions "cocus", primevères sauvages que nous appelions "coucou" car elles fleurissaient quand chante l'oiseau squatteur de nids de plus petits que soi. Ou encore de narcisses qui embaumaient toute la "maison".  De campanules bleue encre qui retombaient que nous appelions des  clochettes scabieuses dont certaines étaient blanches et de mille fleurs au délicat parfum, comme celui des violettes que nous ne cueillons pas car elles étaient trop petite pour tenir dans un récipient.

Je me souviens qu'une fois, maman avait acheté chez la boulangère, qui vendait outre du très bon pain et d'excellentes brioches , pâtés gras et pompes aux pommes, des sachets de graines pour rendre service à la marque qui les commercialisait, ainsi qu'à ses clients, un sachet de graines de plantes grasses. Elle nous avait fait promettre de ne rien en dire à notre père, car nous disait elle, il se mettrait en colère, lui qui n'autorisait que peu de dépenses superflues tant la vie était rude et les budgets tendus.

Nous n'avons évidemment rien dit, car nous craignions autant qu'elle, les fureurs de notre père. Les graines, elles n'ont pas levées, et aucune plante n'est née. Mon père n'a rien su de l'affaire et maman n'a pas renouvelé son expérience. Tout rentra dans l'ordre et la saison suivante, nous avons continué de fleurir la maison avec ce que nous trouvions. Parfois nous cueillons dans le jardin du lilas, des pivoines, des boules de neige ou des dahlias à l'automne.  Nous aimions ces fleurs et leur parfum et toujours un bouquet égaillait le logis.

Plus tard,  quand nous avons grandi, et qu'argent nous récompensait d'un dur labeur, nous achetions à la foire de la Sainte Paule, à Issoire, un bouquet de mimosa et chose surprenante, sur ses vieux jours, c'est mon père qui continua à chaque foire de ramener à la maison, son  bouquet de mimosa.

 Quand il n'a plus été là, et que nos enfants étaient petits, ils  rapportaient à chaque printemps, un joli bouquet de fleurs des champs à leur mère grand.

02 mai 2021

Le lard.

Il fait du lard, pour dire qu'il paresse. Gros lard pour définir un propre à rien que l'on méprise plus qu'on le respecte. On ne sait pas si c'est du lard ou du cochon, quand on ne distingue pas le mauvais du bon.

Le lard tout juste bon à ne pas laisser crever de faim, l'indigent à qui on l'offre et le paysan qui n'a d'autre ressource que de manger son lard tout en rongeant son frein.

Ce lard dont le maire de la commune d'Echandelys, disait (c'était il y a longtemps, de maire on a changé souvent, depuis) parlant des paysans à qui il semblait vouer un fort mépris, qu'ils n'avaient qu'à le manger (pour ne pas dire plutôt que de l'emmerder).

Ce lard donc, savez vous que je lui dois mes meilleurs morceaux ?

Pas ceux qui font de l'oiselle que je suis la caille bien grasse et dodue que vous connaissez. Car je précise que mes rondeurs ne luis sont pas dues et que bien d'autres causes en ont été l'objet.

Mais ceux, bien sûr, que je partageais avec Lorette, mon bon chien de berger. Mais pas que. Pas que, car il évoque en moi plein de souvenirs. Ce lard rosé, entrelardé par une fine couche de chair bien prononcée. Ce lard au goût de l'enfance, du bonheur, de l'amour d'un père, d'une mère, d'un grand père, mais que j'aimais tant pour mon dix heure, pour mon quatre heure, et synonyme de partage, quand il venait récompenser une bonne action, que ce soit la Lorette, le chat Blanchou, le chat Jaunet, ou même venir en rétribution de quelques services rendus par un plus miséreux que soi. Rappelez vous la fable du lion et du rat "on a toujours besoin d'un plus petit que soi". Il serait bon que beaucoup s'en souviennent !

Quand la Berthe réclamait de l'ouvrage, ce n'était pas parce qu'elle s'ennuyait. Ce n'était pas parce qu'elle aimait rendre service, quoique, elle aimait aussi. C'était parce qu'elle avait faim. C'était parce que démunie et oubliée de tous, mais fière et digne, elle ne concevait pat de mendier. Alors, elle proposait, de raccommoder, de tricoter, de coudre quelque ouvrage en compensation d'un morceau de lard qu'on aurait l'obligeance de lui réserver. Elle ne demandait pas grand chose, la Berthe. Un peu de lard, un peu d'amitié, un peu de respect et de l'humanité. Un peu de chaleur humaine, finalement rien de bien compliqué. Son quotidien en était tellement dépourvu ! Ma mère l'aimait beaucoup, et nous, petits que nous étions, avions pour la Berthe, cette affection que d'ordinaire on réserve à une grand mère dont on était privé. Mais pour Berthe, cela ne remplaçait en aucun cas l'amour de ses petits dont elle était privée. 

Sers petits , elle connut les plus grands, jusqu'à ce qu'on vienne les lui ôter. Comme elle les aimait ses enfants ! Comme elle pleurait en racontant ! Ma mère la faisait travailler et quand nous gardions ensemble les vaches en haut la route des Enclos, elles échangeaient chaussettes et morceau de lard, le compte y était. Elle se confiait beaucoup, la Berthe. Ma mère l'écoutait, je crois avec beaucoup d'intérêt, de compassion et nous résumait avec un certain déchirement non dépourvu d'empathie, les déboires de la Berthe, pour qui nous avions en retour beaucoup d'affection. C'est elle qui nous avait donné la Moutonne, un petit chien jaune, chien de berger. Il était le protecteur de Nicole ma petite sœur. Quand maman la grondait, quand maman la punissait, pas toujours pour de justes raisons et pas toujours non plus avec des explications, la Moutonne intervenait, elle ne manquait pas de s'interposer et défendait Nicole à qui elle vouait une réelle amitié. Moi, je m'intéressais surtout à ses vaches, la Barade et la Marquise, deux olie Montbéliarde que j'admirais. Mais j'étais frappée par ce que la Berthe nous racontait. C'est comme si ces blessures d'enfance soudain resurgissaient.

Quand le pépé Jean passait par le chemin, nous l'invitions à faire une halte à la table de la maison. Papa sortait du placard, le lard et le fromage et régalait le pépé Jean. Repu, il s'en allait et retrouvait sa liberté avant de revenir dans sa maison, qui a fini par l'ensevelir un jour de l'hiver 1970. Parfois quand il s'arrêtait à Lossedat, il était tard. Il était nuit. Papa l'invitait à dormir, non pas dans un lit, nous n'en avions même pas assez pour nous tous, mais dans un coin de l'étable où la chaleur de la Jaccade, de la Charmante, la Blonde, la roussette et la Mignone, lui offrait un havre de paix pour une nuit, après laquelle il repartait avec dans sa besace, non pas un fromage qu'il aurait dérobé chez la Francine ou chez la Marotte, et de toutes façons pas à la maison, mais un bon morceau de lard, donné avec chaleur et avec affection. 

Quand une bohémienne passait par le chemin et s'arrêtait à la maison, proposant ses paniers, dont nous n'avions pas besoin, maman ouvrait la porte et panier ou pas panier, donnait en offrande un bout de lard sorti du saloir qui ravissait la bohémienne et ses paniers.

La bonté entraine la bonté. Nous n'avons jamais subi le moindre larcin, la moindre dérobade, le moindre chapardage. Le respect entraine le respect. Elles pouvaient venir les bohémiennes aux grands paniers, yeux noirs ou mèches bouclées. Il pouvait venir le pépé Jean. Nous les accueillions avec respect. Celui des humbles qui respectent les humbles et qui en sont respectés.

 Le lard, aliment méprisé, aujourd'hui banni de notre alimentation, qui pourtant combien de vie s a-t-il sauvé de la famine ?  quand on y pense, on lui doit plus d'une chandelle, tout de même, pas de quoi faire les fiers et pavoiser.

Un 24 mars ordinaire.

 Un grand merci à Fabie qui a beaucoup oeuvré pour l'ouverture de ce nouvel espace avant que le blog initial, toujours le même ne me fas...