vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

08 février 2019

Une semaine en février (un si petit village, suite)

 A cours d'inspiration, j'ai déserté. Vous m'avez fait l'honneur de venir et moi, je n'étais pas là.

Hier, peut être, j'aurais pu. Je vous aurez parlé de cette toute dernière petite sœur qui venait de naitre, en ce 7 février 1965.

Il faisait froid. La nuit était froide et angoissante. Déjà quand je rentrais du collège ce vendredi soir, il régnait  à la maison une ambiance inhabituelle que je palpais sans en comprendre la vraie raison. Tout le monde semblait énervé, maman avait les traits tirés et perdait patience plus que jamais. Son regard inquiet et suppliant nous accablait. Le soir venu, on nous avait intimé l'ordre de dormir dans la chambre dite de la mémé, car c'était la chambre de notre grand mère du temps où elle venait nous rendre visite, une fois l'été arrivé.

De notre petit lit où nous étions bien recroquevillées ma sœur cadette et moi, nous parvenaient des bruits étranges. Un remu ménage peu commun. Quelle était donc cette soudaine agitation qui s'était emparée de la maison ? Nous tremblions sous nos couvertures.  Sans explication aucune, nous étions témoins de toute cette effervescence et nous n'y comprenions rien. Ce n'était pas la première fois qu'il nous arrivait un nouveau bébé. Mais les fois précédentes, c'était le jour. Nous voyions arriver le docteur, avec sa mallette, puis il repartait quelques temps après, comme il était arrivé. Nous posions bien des questions en entendant brayer à l'étage et en voyant ce nouveau né prés de ma mère, allongée dans son lit (ce qui ne lui arrivait jamais d'ordinaire, en pleine journée). Mais on nous répondait par l'évasive que le docteur avait déposé là un bébé qu'il transportait dans sa valise, comme nous avions pu le constater.  La dernière fois, nous avions 5 années de moins et pas encore l'âge de comprendre toutes ces choses dont les grands font mystère. N'y voyant pas malice, nous nous satisfaisions de ces sommaires explications.  Cette fois, encore, nous n'avions pas pris garde et n'avions rien détecté jusqu'alors de suspect. Ce n'est qu'en entendant les vagissements que nous fûmes fixées, et soulagées à la fois. Le lendemain, nous découvrions cette toute petite chose rouge et fripée.

Cette année là je basculais définitivement et directement dans le monde des grands, sans passer par la case adolescence.  Je compris des tas de choses. J'appris à ne pas poser les questions qui peuvent fâcher. J'appris que les grands ne sont pas toujours là pour nous rassurer et nous donner confiance. J'appris à deviner ce qu'on ne me dirait jamais. J'appris aussi que sur moi seule, il me faudrait compter. 

Quand le lundi matin, mon père m'accompagna au chemin pour attendre le car qui me reconduirait au pensionnat, je pleurais abondamment. Plus encore que les autres fois. Je savais que cette petite sœur qui n'avait pas encore de nom, je ne la verrai pas grandir. Que je ne serai jamais guère plus qu'une étrangère désormais, à tout ce qui se passerait sous ce toit qui des années durant m'avait habitée, donné confiance et structurée.

Les copines essayaient de me consoler. A chacune de leurs questions, mes sanglots redoublaient. Comment aurais je pu leur dire tout ce qu'en moi, il se passait ? Ma peine, mon désarrois, ma mélancolie après avoir d'un coup compris tant de choses ? Lourdes, un peu trop lourdes pour l'enfant que j'étais. Je n'eus comme toute réponse à leur fournir, qu'un vague 'j'ai mal au ventre", sans expliquer pourquoi.

La semaine s'écoula,  au cours de laquelle Je reçus comme toutes les semaines, une lettre de maman. On avait trouvé un nom à Nathalie. La Francine avait acquis une nouvelle paire de bœufs qui allait faire parler beaucoup chez le boulanger, chez l'épicier, au café et à la sortie de la messe, le dimanche arrivé. Dans les rues  de ce si petit village où les nouvelles vont vite tant il est petit, pendant un temps, les grands bœufs si doux de l'Aubrac feraient l'essentiel de l'actualité.


echandelys en hiver

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