vaches ; famille ; nature ; paysages ; pensées ; souvenirs ; humeur

14 novembre 2019

Les larmes de Marie Françoise.


Personne ne sut jamais comment ce grand père était mort assassiné. Il n'y eut pas d'enquête, les journaux n'en ont pas parlé. Seul restait son violon, qui demeura silencieux, désormais.

Plus bas au village, une femme pleurait, des enfants réclamaient inlassablement celui que jamais plus ils ne reverraient.

La solidarité familiale s'organisa autour d'eux. Le frère du défunt se chargea de toutes les formalités. Il aida à l'éducation des petits qu'il éleva avec Jacques son fils comme  si c'était les siens et qu'eux considérèrent comme leur frère. Marie Françoise repartit quelques temps avec ses mômes, auprès de sa famille, dans le village tout à côté. Le temps que ses cauchemars s'estompent et que le temps fasse son œuvre. Mais  il fallait bien reprendre le collier. Le collier c'était celui de la misère et des longues journées de labeur, où il fallait retourner la terre. Réapprendre à vivre. Vivre sans. Vivre avec le poids douloureux qui est celui de l'absence. Bien des choses reposaient sur la solidarité. Les voisins rendaient les services qu'ils pouvaient en attendant que les enfants soient un peu plus grands et fussent en âge d'aider, participer et découvrir  qu'il est dur de vivre de son ouvrage et combien sont longues les heures passées à s'échiner.

A force de courage, de travail et de sacrifices, Marie Françoise poussait les jours sans pain. Avec l'aide de son père, tout d'abord, elle parvint à acquérir son toit, puis quelques arpents de terre, de quoi nourrir ses petits. Mais en 1887,  un nouveau drame frappa durement à sa porte. Son père usé, décéda, la laissant désemparée. Lors du partage avec ses frères,  elle hérita de quelques pièces de terre qu'elle fit fructifier.  Lopin après lopin, elle parvint à agrandir la modeste exploitation. De deux vaches, elle passa à quatre. Les enfants étaient grandets maintenant. Maria devenait une belle jeune fille en âge d'être placée. C'est ainsi qu'elle devint servante dans une belle demeure. L'hiver à la ville, l'été tout prés dans la grande maison de maître où lors de ses rares loisirs elle réussissait à s'échapper le temps de venir aider sa vieille mère à qui elle pensait tant. Claudius, de son côté, tout comme Maria, travaillait bien à l'école et était appliqué. Mais l'école quand il faut durement travailler pour gagner son pain, n'était pas faite pour les crèves la faim. Il maniait bien la charrue, désormais, autant que la scie de charpentier et le  rabot de menuisier. A 12 ans, avec ses oncles, il partait en journée. Marie Françoise se retrouvait seule souvent. Elle continuait courageusement de cultiver les champs. D'arrache pied, elle labourait, semait, sarclait, piochait la vigne et s'occupait du bétail, gardait, soignait, aidait au vêlage qui ne se passait pas toujours bien, entretenait un potager, une basse cour et sa maison. Le soir quand Claudius rentrait, il se chargeait d'aider tant qu'il pouvait, mais les longues journées passées en tâches ne pouvaient être rattrapées. Puis ce fut la guerre, Il partit au front et Marie Françoise s'échina davantage. En 1916 quand elle mourut, son fils n'était probablement pas là, occupé à la reconquête du fort de Verdun. C'est donc seule et démunie qu'elle rendit son âme à Dieu qui lui avait tant déjà pris.

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